Avatar et la critique de l’anthropocène

Avatar, États-Unis, 2009

Ce film est fut longtemps le plus rentable de l’histoire, malgré son coût initial lui aussi record. L’action se déroule en 2154 sur Pandora, une des lunes de Polyphème, une planète géante gazeuse en orbite autour d’Alpha Centauri A. Les Terriens y exploitent un minerai rare susceptible de résoudre la crise énergétique sur leur planète, l’unobtanium. Pour cela, ils détruisent le milieu naturel, dans lequel vivent de nombreuses espèces de plantes et d’animaux, et des êtres humanoïdes, les Na’vis. Ces derniers, pouvant mesurer plus de trois mètres, vivent en harmonie avec la nature, et peuvent être assimilés à l’équivalent des Indiens américains, décimés par les colons européens lors de la conquête de l’Ouest.

Jake Sully, un ancien marine paraplégique, arrive sur la planète après cinq ans de cryogénie et y remplace son frère jumeau décédé, qui devait participer au programme Avatar. Un avatar est une créature créée à partir d’ADN de Na’vi et de l’ADN de son pilote humain. Le pilote est placé dans un caisson à partir duquel il prend possession du corps de l’avatar. Il s’agit d’une forme de téléprésence d’un corps organique. Le but de la RDA, un consortium militarisé, est de mieux connaitre les Na’vis et d’établir des liens diplomatiques dans le but de les contraindre à quitter leurs territoires pour permettre aux humains d’exploiter les mines.

Jake entre en contact avec une Na’vi après s’être perdu dans la jungle. Neytiri, fille du chef de la tribu Omaticaya, lui sauve la vie et l’intègre auprès de son peuple. Elle lui apprend les us et coutumes de sa culture et il parvient à se faire accepter. Le marché conclu avec le colonel Miles Quarich consiste à fournir le maximum d’informations sur ce peuple, en échange d’une opération de la moelle épinière très couteuse qui permettrait à Jake de remarcher. Toutefois, ce dernier tombe progressivement amoureux de Neytiri et ils finissent par s’unir. C’est le moment choisi par le colonel pour attaquer les Na’vis, dans la but de conquérir leur territoire. Ces derniers sont aidés par Jake et quelques humains et après une longue bataille, parviennent à vaincre le consortium, pourtant suréquipé. Leur résistance héroïque est notamment permise par Jake, qui est parvenu à s’échapper de la base dans un hélicoptère équipé de son caisson de contrôle de son avatar. Finalement, Jake abandonne son corps handicapé et son esprit prend possession du corps Na’vi qu’il contrôlait jusqu’alors par médiation technique, grâce à une cérémonie magique. Le consortium quitte finalement Pandora, ce qui couronne le succès des Na’vis pour la défense de leur territoire.

Le film a été conçu par James Cameron comme une métaphore des mouvements de défense des tribus amazoniennes, victimes de la déforestation des grands propriétaires à la recherche de ressources naturelles. Les interprétations de cette superproduction sont multiples, et de nombreuses causes y voient une référence à leur action. Certains y ont vu une critique du militarisme et de l’impérialisme américain, voire du capitalisme élargi aux mondes extraterrestres. James Cameron a admis qu’il avait de cette manière critiqué la guerre en Irak. Le film de Cameron est aussi une critique manifeste de l’extermination des Indiens par les Américains.

Les extraterrestres sont dans ce film des êtres positifs, cultivant un culte panthéiste et un mode de vie en harmonie avec la nature. Ils sont un miroir des êtres victimes du système dominant, de la quête du profit qui n’hésite pas à s’attaquer aux écosystèmes à l’aide d’un système militaro-industriel présenté comme implacable. Il est toutefois vaincu à la fin du film, qui met en valeur des êtres jusqu’alors opprimés par le système, les individus qualifiés de sauvages et les handicapés. Jake, mu par l’amour du peuple Na’vi et pour Neytiri, dépasse son handicap pour trahir la cause de la RDA et se rallier à une cause supérieure, plus juste moralement. Le colonel l’avait pourtant contraint à mentir aux Na’vis dans l’espoir de pouvoir remarcher un jour. Il préfère rester handicapé et rompre son lien avec la RDA au nom de valeurs morales qui lui sont chères.

Le film prend donc le parti de défendre la cause des plus faibles, délivrant un message d’espoir aux peuples opprimés par le complexe militaro-industriel. La science-fiction, comme bien souvent, diffuse un message subversif, critiquant le système dominant et donnant les rôles de héros aux rebelles, qui s’opposent aux valeurs cyniques et malveillantes d’individus avides de profit et niant les valeurs fondamentales de l’humanité.

Dans Avatar, la supériorité technologique de la RDA ne suffit pas pour vaincre des tribus uniquement équipées d’arcs et de flèches. Le film pose la question du comportement que l’humanité devrait adopter face à une planète peuplée de créatures vivantes et dotée de richesses minières importantes. Serait-elle prête à sacrifier des êtres sensibles et intelligents, reproduisant les nombreux dégâts écologiques perpétrés sur Terre depuis des siècles de révolution industrielle, ou devrait-elle abandonner l’exploitation de son sous-sol, par respect pour la nature ? La question posée par ce film est importante, car elle se posera inévitablement à un moment donné de la conquête spatiale. Les intérêts commerciaux qui motivent les exploitants du capitalisme spatial seront-ils supérieurs aux valeurs de respect des écosystèmes et des cultures différentes ?

Notons aussi que ce film a inspiré des phénomènes politiques dans la réalité. En février 2010, des militants propalestiniens ont protesté contre la barrière de séparation israélienne dans le village de Bil’in déguisés en Na’vis. Henry Jenkins a nommé cela un « activisme Avatar ». Le film a inspiré d’autres mouvements dans le monde, incarnant la lutte contre un complexe militaro-industriel malfaisant, incarné par l’armée israélienne, le gouvernement chinois ou les compagnies forestières amazoniennes. Il incarne essentiellement la résistance de causes identitaires et écologiques face à la toute-puissance et au cynisme de l’exploitation capitaliste des écosystèmes. La localisation de l’action sur une lointaine planète peut donc être interprétée à plusieurs degrés.

Au premier degré, le film pose la question du comportement que l’humanité devra adopter si elle rencontre des peuplades extraterrestres lors de son exploration, voire de son exploitation du cosmos. La question, sur du très long terme, constitue la dimension prospective d’une œuvre qui aborde aussi d’autres thèmes futuristes, en présentant des vaisseaux, méchas, et autres Avatars, constituant des technologies utopiques qui pourraient être développées dans les prochaines années et utilisées pour la conquête du cosmos par l’humanité.

Au second degré, il s’agit d’un appel à la subversion contre des valeurs impérialistes et anti-écologiques. Le film oppose les valeurs des peuples de la forêt à celles des humains, motivés par un hyperrationalisme matérialisé par leurs armes et leurs technologies présentées comme supérieures, mais finalement inefficaces face à la protection du peuple Na’vi par leur divinité.

Thomas Michaud

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