
Le film Les rescapés du futur débute en 1985, deux ans après la tragédie qui a causé 50 morts dans le parc d’attractions de Delos dans le film Mondwest. Les robots, qui constituaient les attractions principales dans des parcs à thèmes, s’étaient en effet révoltés étrangement, causant de nombreuses destructions. À la suite de cette déconvenue, les entrepreneurs ont investi 1,5 million de dollars, une somme importante pour l’époque dans la rénovation et l’amélioration de l’infrastructure. Outre les parcs de l’antiquité, du moyen-âge européen, et de l’Est, on trouve une activité permettant de voyager dans l’espace et de se rendre sur Mars ou dans des astéroïdes. Le journaliste Chuck Browning, qui avait couvert deux ans plus tôt le massacre des touristes de Delos, est informé par un homme énigmatique que quelque chose de louche se trame. Le reporter trouve son informateur assassiné. Il est finalement invité à se rendre dans le nouveau parc, accompagné de sa collègue journaliste à la télévision Tracy Ballard. Dans l’avion, d’autres invités prestigieux les accompagnent, comme un général russe ou un ministre japonais. Les deux journalistes réalisent rapidement que tous les employés sont des robots, et que le parc de Delos dissimule un terrible secret. Ils ont été conviés afin d’être remplacés par des êtres artificiels chargés de rédiger des articles élogieux sur le site, visant à convaincre un maximum de puissants de la planète à se rendre à Delos. Là, ils seraient remplacés par des robots. L’objectif est ainsi de diriger le monde afin d’éviter qu’il continue à être géré par des incompétents le menant à sa perte. Finalement, le complot est dénoncé par les journalistes.
Le film est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord, il met en scène des technologies utopiques remarquables. Le gagnant d’un jeu télévisé expérimente par exemple le ski sur Mars. Chuck et Tracy jouent aux échecs avec un jeu dont les pièces sont des hologrammes. Tracy expérimente aussi une machine générant des rêves artificiels. Elle est placée dans une pièce, endormie, et un rêve correspondant à ses aspirations lui est inséré dans le cerveau. Les robots sont par ailleurs très perfectionnés, difficilement différenciables d’un être humain. D’ailleurs, quand les héros se battent contre ceux qu’ils nomment des duplicatas, le spectateur ne sait pas jusqu’à la fin si l’original ou la copie a triomphé de la lutte.
Le film propose une vision complotiste du futur. Une entreprise démoniaque cherche à diriger le monde en remplaçant les leaders par des robots à sa solde. Le robot est présenté comme le double parfait des humains, doté de la même mémoire, des mêmes réactions, et des mêmes réflexes. Il est aussi un être négatif dans la mesure où il est au service d’intérêts contestables, même si un des chefs de Delos, qui est lui-même un robot, envisage de remplacer l’humanité pour sauver la Terre de la destruction causée par l’irresponsabilité morale des leaders de la planète. Le film suggère que les robots pourraient décider de prendre le pouvoir des humains afin de diriger le monde d’une manière plus harmonieuse. Le message des Rescapés du futur est étrangement rattrapé par l’actualité. En effet, en juillet 2023, lors d’un sommet de l’ONU qui s’est tenu à Genève, plusieurs robots humanoïdes munis d’intelligence artificielle ont été interrogés. Certains ont affirmé qu’ils étaient en capacité de diriger le monde mieux que les humains. Ils estimaient notamment ne pas avoir les mêmes préjugés et émotions qui peuvent obscurcir la prise de décision humaine. De plus, leur capacité de traiter de grandes quantités de données leur conférait une certaine supériorité. Cette démonstration des Nations Unies visait à créer des garde-fous et de provoquer une prise de conscience sur la nécessité de faire en sorte que les IA soient bénéfiques à l’humanité.
Le film Les Rescapés du futur montre donc une représentation de la robotique dystopique, dans la mesure où les scientifiques qui la développent sont animés par des instincts négatifs. Ils cherchent en effet à dominer le monde grâce à leur invention. Le parc d’attractions n’est qu’un prétexte visant à attirer les décideurs de la planète pour les remplacer par des robots. Ce type de film peut avoir eu un impact ambivalent sur les représentations du futur de la robotique. Dans un sens, les robots peuvent apparaitre comme des innovations remarquables, que des scientifiques pourraient essayer de réaliser. Dans un autre sens, leur usage est contestable, orienté par des perspectives d’une planète dominée par les robots. La science-fiction, une nouvelle fois, propose donc une réflexion sur l’éthique de l’innovation, en montrant dans une première partie les applications fabuleuses d’une technologie présentée comme utopique, avant d’en montrer une facette beaucoup plus sombre et dérangeante moralement.
Thomas Michaud