Mes livres s’intéressent aux relations entre l’imaginaire et l’innovation. L’imaginaire et l’imagination sont en effet au centre des processus créatifs. La science-fiction est le point de départ de processus complexes menant à la transformation sociale et à l’invention de nouvelles techniques, voire de théories scientifiques émergentes.
La science-fiction est apparue en Europe au dix-neuvième siècle en pleine révolution industrielle. Des auteurs comme Mary Shelley et H.G. Wells en Grande Bretagne, ou Jules Verne en France ont posé les fondements d’un genre témoignant des espoirs et angoisses de sociétés transformées par le progrès technique et l’installation du capitalisme comme système productif dominant.
Hugo Gernsback inventa le terme science-fiction dans les années 1920 dans une de ses revues. Le genre se déploya aux Etats-Unis massivement à partir de l’entre deux guerres pour constituer une des sources majeures de l’imaginaire populaire de ce pays. Grâce à une industrie culturelle très performante, la science-fiction se diffusa dans les pays les plus industrialisés au point de devenir un élément important des politiques de Recherche et Développement dans la seconde moitié du vingt-et-unième siècle.
La science-fiction contribue à structurer l’imaginaire individuel et collectif, en projetant ses récits dans des futurs tantôt utopiques, tantôt dystopiques, dans lesquels des technologies imaginaires sont au centre de l’intrigue. Un récit de science-fiction est en effet défini en partie par la présence d’au moins une technologie utopique, qui est plausible en fonction des connaissances scientifiques de l’époque de rédaction, mais qui n’existe pas encore dans la réalité. Ce décalage temporel entre le temps de la technologie imaginaire et le temps de l’innovation commercialisée pose question.
Dans Le marsisme (2008), je m’intéresse aux représentations technopolitiques de la conquête de Mars. Après une étude de l’imaginaire martien, notamment dans la science-fiction, le livre aborde les politiques exploratoires de cette planète dans les grandes agences spatiales. La mission Mars Express, lancée par l’ESA et toujours en orbite, fait l’objet d’une présentation. Enfin, la science-fiction est présentée comme un imaginaire contribuant à l’élaboration d’une nouvelle idéologie, le marsisme, visant à implanter une civilisation humaine sur Mars.

Dans Télécommunications et science-fiction (2008), la même approche est utilisée. Les représentations des technologies de télécommunications dans la science-fiction démontrent la fonction anticipatrice du genre. L’étude se focalise sur les représentations du virtuel, avec l’étude de certaines œuvres importantes comme Neuromancien ou Matrix. Finalement, le livre évoque une idéologie de la science-fiction, c’est-à-dire une instrumentalisation de la science-fiction par les centres de R&D de structures privées ou publiques pour innover, notamment en cartographiant cet imaginaire constitué de multiples technologies utopiques. Ce texte fut prolongé en 2018 dans le livre La réalité virtuelle, de la science-fiction à l’innovation. Une cinquantaine d’œuvres traitant de la réalité virtuelle sont étudiées afin d’envisager le fonctionnement de l’imaginaire technique. Le concept de technotype, c’est-à-dire d’archétype technologique, est développé et sert de fondement à des investigations sur l’origine imaginaire de l’innovation.

Dans La rêvolution satanique (2008), je m’intéressais à l’imaginaire des mouvements sociaux. Après avoir étudié quelques discours à l’origine de la révolte de la jeunesse française en 2005, j’ai observé de quelle manière la contestation politique et sa répression sont abordées dans la science-fiction. Le discours anarchiste fut au centre d’une autre étude, publiée en 2017, Réflexions sur l’anarchie. Ce petit livre est constitué d’une quarantaine de photos de tags anarchistes posés sur les murs du centre ville de Poitiers en 2009, lors d’un des premiers black blocs qui eurent lieu en France. Dans La zombification du monde (2009), je me suis focalisé sur l’étude d’une trentaine de films de zombies afin de comprendre les raisons du succès de cet imaginaire macabre faisant l’objet notamment d’un folklore populaire, les zombies walks.

Les livres Prospective et science-fiction (2011), et La stratégie comme discours, l’utilisation de la science-fiction dans les centres de R&D (2011), sont tirés de ma thèse de sciences de gestion, soutenue en 2009. Ma thèse cherchait à comprendre de quelle manière l’imaginaire participe à la création des visions du futur dans les projets de réalité virtuelle des Orange Labs. Après trois ans d’enquête au sein de cette entreprise, j’ai pu constater l’importance de la science-fiction pour innover et effectuer de la prospective. Le techno push et le market pull, au centre de la stratégie de l’entreprise, utilise l’imaginaire à différents niveaux, pour justifier l’existence de certains projets, et pour capter les attentes des futurs clients. Ces recherche se sont prolongées dans le livre L’imaginaire et l’organisation (2014). Ces trois livres ont été publiés chez L’Harmattan.

Le livre L’innovation, entre science et science-fiction (2017) propose une synthèse de ces approches, avec notamment un intérêt pour le design fiction, une pratique de plus en plus répandue dans les entreprises à la recherche de nouveaux concepts populaires présents dans la science-fiction. De multiples exemples démontrent l’intérêt pour le capitalisme de stimuler et d’instrumentaliser un imaginaire assurant la synthèse des attentes et des espoirs en innovations technologiques à l’échelle globale.
Ces recherches ont fait l’objet de deux livres en anglais, Science Fiction And Innovation (2008), et Innovation, Between Science And Science Fiction (2017). Deux romans de science-fiction, Cosmoweb (2008) et Un virus martien (2012), complètent cette bibliographie.
