De la fiction à l’innovation, ces visionnaires qui ont changé le monde

Quatrième de couverture

Depuis le dix-neuvième siècle, des auteurs de science-fiction visionnaires ont décrit avec une stupéfiante précision le monde du futur. Capables d’imaginer les technologies les plus révolutionnaires, ils ont influencé les scientifiques les plus géniaux et les entrepreneurs les plus audacieux qui sont parvenus à commercialiser des innovations qui ont changé les modes de vie de millions de personnes. Ce livre présente l’apport considérable de ces grands esprits au monde industriel. Jules Verne et le voyage sur la Lune ou l’invention de l’hélicoptère, Kim Stanley Robinson et la terraformation, H.G Wells et la bombe atomique, William Gibson et le cyberespace, ou Neal Stephenson et le métavers sont quelques exemples de thèmes abordés dans le but d’exposer l’apport décisif de la science-fiction aux processus d’innovation technoscientifique. Cet imaginaire, souvent prophétique, a en effet démontré à maintes reprises son étonnante faculté à anticiper les grandes mutations du monde. L’économie est influencée par des fictions qui structurent les croyances des innovateurs, des entrepreneurs, des consommateurs et des investisseurs. Les visionnaires sont ainsi bien souvent des créateurs de récits qui sont devenus des réalités après avoir conquis les esprits, parfois sur plusieurs générations. L’histoire de ces visions nous rappelle l’importance de porter un regard attentif sur ces fictions afin de mieux préparer le futur.

Science-fiction et capitalisme

Ce livre propose une approche des processus d’innovation à travers l’histoire de la science-fiction. Depuis plusieurs années, j’étudie le rôle de cet imaginaire dans les processus de conception, et il devenait nécessaire de proposer des exemples historiques de ma théorie selon laquelle il est à l’origine de nombreux phénomènes économiques et technologiques. Ce livre présente plusieurs cas d’inventions qui germèrent initialement dans l’esprit des auteurs de science-fiction, montrant de quelle manière ces fictions se sont par la suite disséminées et propagées dans la société, afin de garantir leur acceptabilité et stimuler l’imaginaire d’ingénieurs et de scientifiques capables de les concrétiser grâce à leurs connaissances. Le système productif est ainsi influencé par des récits, notamment dans le capitalisme technoscientifique, dans lequel les organisations pratiquent de plus en plus le storytelling. Ainsi, la question de l’influence de la science-fiction sur le capitalisme se pose explicitement. Bien que bon nombre d’auteurs, comme H.G. Wells ou Kim Stanley Robinson soient ouvertement socialistes, leurs fictions ont inspiré des chercheurs au service du capitalisme. Ainsi, bien que la science-fiction soit souvent anticapitaliste, critique des puissances dominantes, et parfois subversive, il est intéressant de constater que le capitalisme s’emploie à en réaliser les technologies utopiques qui parsèment ses récits. Nous avons pu constater un processus de réappropriation de l’imaginaire science-fictionnel par les organisations capitalistes, au point que ces dernières utilisent de plus en plus ces récits consciemment, en créant leurs propres fictions pour se donner le plus de chances d’accéder aux secrets de la dynamique de l’innovation. Je pense que l’imaginaire est préalable à l’action, ainsi que son prolongement. Il est donc logique que la science-fiction se trouve à l’avant-garde des processus d’innovation dans le capitalisme technoscientifique. Un chapitre du livre s’intéresse notamment à l’influence du livre de Neal Stephenson Le Samouraï virtuel sur la création métavers. Pour l’heure, cette technologie utopique est devenue un buzzword, comme le cyberespace de Williams Gibson (qui fait aussi l’objet d’un chapitre) le fut dans les années 1980-1990 et stimula les ingénieurs pour concevoir Internet. Le métavers est une innovation issue de la science-fiction, et il ne serait pas étonnant que son prolongement soit aussi préconçu par des auteurs de romans ou de films. Pensons par exemple à l’holodeck de Gene Roddenberry, qui fait aussi l’objet d’un passage important de l’ouvrage, qui pourrait constituer le fondement de l’ère post-métavers. Les auteurs de science-fiction ont imaginé les problématiques futures des concepteurs et des utilisateurs des mondes virtuels, mais aussi des futurs colons de la Lune ou de la planète Mars.

Mythes sectoriels et technotypes

Les politiques d’innovation dans la plupart des domaines technologiques reposent sur des fictions fondatrices, que je nomme les mythes sectoriels. Les acteurs des entreprises et des centres de recherche y trouvent un imaginaire commun, des représentations fédérant leurs actions autour de perspectives similaires. À l’origine de ce processus, on trouve les technotypes, des archétypes technologiques au fondement des technologies utopiques. Les technotypes puisent leurs racines dans l’origine de la psyché humaine. On trouve ainsi des archétypes technologiques dans les cultures ancestrales, ce qui laisse penser que les idées technologiques pourraient être latentes et attendre d’être décryptées par les auteurs de science-fiction, passeurs entre le monde de l’inconscient technologique et la connaissance technoscientifique. Ainsi, les visionnaires sont avant tout des auteurs qui ont réussi à mettre au jour des technotypes fondamentaux sous la forme de technologies utopiques. Imaginer une machine au pouvoir ressemblant à de la magie est le propre des auteurs de science-fiction. Les ingénieurs et les entrepreneurs ont pour fonction de réaliser et de commercialiser ces inventions.

Science-fiction et destinée technologique

Le livre s’intéresse aussi à des technologies comme le warp drive de Star Trek, à l’origine fictionnelle du TASER, mais aussi à l’imaginaire technique sous-jacent de l’intelligence artificielle, de la robotique ou des neurotechnologies. L’influence de Jules Verne sur l’inventeur de l’hélicoptère Sikorski, lecteur de Robur-le-Conquérant dans son enfance est aussi décrite. Cette étude vise à présenter les exemples les plus célèbres de visionnaires de la science-fiction ayant eu une influence sur la réalité. Il serait possible d’en écrire une nouvelle sur d’autres auteurs, tant cet imaginaire a eu un impact considérable sur le monde de la science. Il n’est que justice de rendre hommage à ces grands penseurs, tant leur esprit visionnaire est souvent oublié au profit des grandes innovations réalisées par les scientifiques. Rappeler l’origine science-fictionnelle d’un certain nombre d’innovations et de découvertes scientifiques est aussi un moyen de légitimer un imaginaire trop souvent marginalisé et considéré comme un « mauvais genre ». Ainsi, on étudie peu la science-fiction dans les écoles et les universités françaises. Cette tendance évolue, puisque de plus en plus d’institutions utilisent la science-fiction dans leurs cursus dans d’autres pays. En France, on s’intéresse de plus en plus au design fiction à mesure que l’on prend conscience de l’influence des grandes visions de la science-fiction sur la réalité. En effet, il semble que les pays leaders dans le domaine technologique soient aussi ceux qui créent l’imaginaire science-fictionnel le plus pertinent et le plus avant-gardiste. Il convient donc d’en favoriser l’émergence pour se donner toutes les chances de maitriser le destin technoscientifique de l’espèce humaine.

Thomas Michaud

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