En 2043, la Terre est surpeuplée en raison d’une natalité galopante, notamment liée à des naissances multiples conséquences de technologies visant à augmenter les rendements agricoles. L’humanité n’a plus assez de ressources pour subvenir aux besoins de toute la population mondiale. Face à cette situation, la Fédération européenne a décidé de mettre en place une politique de l’enfant unique. Lors de naissances multiples, les enfants surnuméraires sont récupérés par le Bureau d’allocation des naissances (Child Allocation Bureau, CAB) et cryogénisés dans le but de les réveiller quand l’humanité aura trouvé la solution à la surpopulation. Une véritable dictature régit ce système orchestré par Nicolette Cayman. Pour se déplacer, de nombreux points de contrôle sont mis en place, et il faut être muni d’un bracelet électronique pour montrer patte blanche.
Peu après la mise en place de ce système de contrôle des naissances, Karen Settman met au monde des septuplées et périt en couche. Son père décide de garder les sept petites filles et organise leur éducation et leur vie en leur permettant de sortir chacune un jour de la semaine (elles ont toutes comme prénom un jour de la semaine). Dans leur vie sociale, elles ne sont qu’une personne, Karen Settman. Trente ans plus tard, leur secret est dévoilé et elles sont abattues une par une par l’équipe de Nicolette Cayman. On apprend que Lundi a trahi ses sœurs pour devenir l’unique Karen Settman après être tombée enceinte. Jeudi la tue et devient l’unique survivante avec Mardi. Les jumeaux de Lundi sont sauvés. Jeudi dénonce la vérité du système de l’enfant unique au monde entier. Les enfants qui étaient censés être placés en cryo-sommeil étaient en fait incinérés. Nicolette Cayman envisageait d’offrir la possibilité aux plus riches et aux plus conformes socialement d’avoir plusieurs enfants, ce qui aurait eu pour effet d’instituer un système eugéniste reposant sur la richesse. Face à ces révélations, des émeutes provoquent la fin de ce régime et le retour à une politique nataliste libre.
Le film est une critique de la politique de l’enfant unique, notamment pratiquée en Chine. Il montre de quelle manière un régime autoritaire peut voir le jour en se justifiant par la nécessité de lutter contre la surpopulation. Ce thème se retrouve essentiellement dans la science-fiction des années 1970, période où ce sujet était au cœur de l’actualité, les organisations mondiales redoutant une pénurie de nourriture face à l’explosion de la bombe démographique. Aujourd’hui, le sujet est beaucoup moins présent dans les médias. Le film est toutefois l’occasion de mettre en scène une nouvelle dystopie, comme ce fut le cas à de nombreuses reprises dans les années 2000-2010 et qui fut notamment critiqué par Neal Stephenson dans un article devenu célèbre. Le film rappelle les politiques eugénistes prônées par certains néomalthusiens, et le processus d’extermination des enfants en trop rappelle les fours crématoires nazis. Il montre de quelle manière une société peut devenir totalitaire sous prétexte de lutter contre la pénurie alimentaire. Cette critique de la politique de l’enfant unique par le prisme dystopique révèle aussi la tendance de certains régimes à opter pour des stratégies extrémistes face à des crises d’une ampleur importante. La dystopie est en grande partie une réponse et une réactualisation de la mentalité totalitaire qui généra de nombreux régimes dictatoriaux au vingtième siècle. La critique d’auteurs comme Arendt pourrait ne pas suffire pour éviter le retour de telles dictatures, dans la mesure où la science-fiction est un imaginaire partiellement performatif qui tend à se réaliser et à inspirer certaines personnalités influentes. La dystopie est aussi un moyen d’éviter l’avènement de dictatures en caricaturant et en critiquant les potentielles dérives de la démocratie face à d’éventuels périls.
Thomas Michaud
Thomas Michaud 