La Science-fiction institutionnelle – Introduction

Thomas Michaud

L’étude explore l’influence croissante de la science-fiction sur l’innovation et le capitalisme. Elle examine comment les entreprises et les institutions utilisent la science-fiction pour imaginer et façonner l’avenir technologique, créant un « imaginaire institutionnel ». Le texte analyse également la science-fiction institutionnelle comme un outil de storytelling et d’institutionnalisation des phénomènes commerciaux et sociopolitiques. Le livre se demande si cet usage risque de dénaturer la science-fiction en la mettant au service d’intérêts militaires et industriels. Enfin, il s’interroge sur la capacité de cet imaginaire à réactiver l’utopisme technologique du capitalisme et à trouver des solutions aux problèmes qui le menacent.

Thème Principal: L’influence croissante de la science-fiction (SF) institutionnelle sur l’innovation, le capitalisme et les visions du futur, tant au niveau des entreprises que des institutions publiques et militaires. Le document explore comment cet imaginaire, autrefois critique et utopique, est de plus en plus instrumentalisé pour légitimer et stimuler le système capitaliste.

Idées Clés et Arguments:

  • L’imaginaire comme moteur de l’innovation et du capitalisme : Le document affirme que l’imaginaire, et en particulier la science-fiction, joue un rôle crucial dans la stimulation de la créativité et dans la direction de l’innovation technologique, alimentant ainsi la dynamique du capitalisme. Les « technotypes » et les visions futuristes issus de la SF inspirent les ingénieurs et les entrepreneurs.
  • « Le management de l’innovation passe par la stimulation de la créativité, en amont d’un processus complexe vital pour la dynamique du capitalisme. »
  • « La science-fiction constitue l’imaginaire spéculatif d’un système reposant sur la nécessaire réactivation permanente d’une forme de délire logique. Elle fixe les finalités technologiques du système, et quand elles sont atteintes grâce à l’innovation, elle en élabore de nouvelles. »
  • La Science-Fiction Institutionnelle (SFI) : Définie comme l’imaginaire produit par les institutions (entreprises, armées, etc.) dans une perspective de storytelling et d’institutionnalisation de phénomènes, la SFI s’approprie les codes de la SF mainstream tout en les adaptant à l’orthodoxie discursive institutionnelle.
  • « Ainsi, la science-fiction institutionnelle désigne l’imaginaire produit par les institutions dans une perspective de storytelling, et d’institutionnalisation ultérieure de phénomènes commerciaux (pour les entreprises), sociopolitiques (pour les institutions publiques), ou militaires (pour les armées). »
  • Le rôle des dystopies et de l’utopisme technologique : Le document souligne la tension entre les dystopies, qui critiquent le système et ses dérives, et l’utopisme technologique, qui le stimule. Il questionne la « panne des imaginaires » et l’appel de Neal Stephenson à retrouver l’inspiration pour un utopisme technologique positif. Cependant, il reconnait également l’utilité des dystopies pour une critique sociale et une remise en question du capitalisme.
  • « Il semblerait que ce soit le cas avec la mode des dystopies qui inquiète les spécialistes, en tête desquels l’auteur Neal Stephenson, qui appelle régulièrement les écrivains à retrouver leur inspiration pour l’utopisme technologique qui fit d’antan leur réputation. »
  • « Plusieurs spécialistes de design fiction (…) défendaient la nécessité d’utiliser les dystopies pour mieux penser le futur, et la fiction comme un outil de critique sociale permettant notamment de remettre en question le bien fondé du capitalisme. »
  • L’utilisation de « Future Visions » par les entreprises : Les entreprises utilisent des courts-métrages prospectifs (« future visions ») pour présenter leurs innovations, tester leur impact et évangéliser le public. Ces « future visions » sont considérées comme un antécédent de la pratique du « design fiction ».
  • « Il est ainsi préférable dans certains cas de créer des future visions, ces courts-métrages produits par les multinationales pour médiatiser leurs innovations ou pour en tester l’impact sur un public de spectateurs avertis (…) »
  • Les institutions et l’imaginaire collectif : Le texte insiste sur le rôle crucial de l’imaginaire collectif dans la construction des institutions et de leur vision du monde. Il met en avant la dimension performative de cet imaginaire, qui préexiste à l’acte institutionnel et influence son orientation.
  • « Ainsi, l’imaginaire est perçu comme la matrice des actions des institutions. Il préexiste à l’acte institutionnel, ce qui implique sa dimension performative. »
  • Risques et bénéfices de l’instrumentalisation de la SF : Le document soulève des questions sur les risques de dénaturation de la SF par son instrumentalisation par le système militaro-industriel, notamment la perte de sa vocation critique et le risque de nouveaux totalitarismes. Il s’interroge également sur la possibilité d’un imaginaire dystopique qui contaminerait les entreprises et les armées, ou au contraire, d’un renouveau de la « science-fiction utopiste ».
  • « Faut-il craindre une dénaturation de cet imaginaire par son instrumentalisation par les acteurs du système militaro-industriel ? La science-fiction ne risque-t-elle pas de perdre sa vocation de critique de la technoscience en étant utilisée par les multinationales et les armées dans un but de conquête des marchés et de domination des relations internationales ? »
  • La nécessité d’une action durable : Le texte suggère que la science-fiction institutionnelle pourrait permettre au capitalisme de se réinventer et de créer les cadres fictionnels nécessaires à une action plus durable des institutions sur le monde, face aux critiques écologistes et collapsologistes.
  • « La science-fiction institutionnelle pourrait mettre l’imaginaire au service de la créativité capitaliste, pour lui permettre de se réinventer, et de créer les cadres fictionnels nécessaires à une action plus durable des institutions sur le monde. »

Citations Clés:

  • « Gomez affirme que « l’esprit malin du capitalisme répond méthodiquement par un mélange de réalisme, d’enthousiasme [pour le numérique], de recours à l’optimisme et à la science-fiction [via le discours sur l’homme « augmenté » et le transhumanisme], pour fonder la confiance souveraine en l’Avenir comme l’unique voie de salut ». »
  • « Pour Phil Libin, ex-PDG d’Evernote (…) : « La science-fiction peut apporter une sorte d’optimisme rigoureux… Il n’y a pas de formule magique. La science-fiction fournit simplement l’inspiration. Ensuite, c’est à vous d’élaborer un plan rigoureux et de l’exécuter ». »

Conclusion:

Ce chapitre propose une introduction à la science-fiction institutionnelle, en la présentant comme un phénomène en pleine expansion et un levier majeur de l’innovation et du capitalisme. Il soulève des questions cruciales sur les implications de cette instrumentalisation de l’imaginaire, tant en termes de risques potentiels (dénaturation de la SF, dystopies performatives) que d’opportunités (renouveau de l’utopisme technologique, action durable). L’étude de la SFI apparaît donc comme essentielle pour comprendre les dynamiques du capitalisme contemporain et les visions du futur qui le sous-tendent.

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