In; La science-fiction institutionnelle, Thomas Michaud, L’Harmattan, 2023
Ces sources examinent l’intégration croissante de la science-fiction dans divers secteurs, des institutions publiques aux universités et aux entreprises. Elles décrivent comment la science-fiction est utilisée comme un outil de prospective stratégique, d’innovation, et même de critique sociale. Plusieurs institutions, comme la NASA et l’Union Européenne, exploitent la science-fiction pour stimuler la créativité et anticiper les défis futurs. Les articles mettent en lumière des initiatives spécifiques, telles que des ateliers de design fiction, des anthologies prospectives et des programmes éducatifs visant à former les esprits à envisager des scénarios alternatifs. La science-fiction est aussi étudiée pour son influence sur l’imaginaire collectif et son rôle dans la construction de visions du futur, parfois utopiques, parfois dystopiques. Enfin, le texte interroge la possible instrumentalisation de la science-fiction à des fins capitalistes ou idéologiques, tout en soulignant son potentiel pour inspirer des innovations et des réflexions éthiques.
Thème Général: Ce document explore l’intérêt croissant des institutions publiques, des universités, des entreprises et des think tanks pour la science-fiction, en analysant les motivations, les méthodes et les implications de cette appropriation. Il montre comment la SF est utilisée comme outil de prospective, de stimulation de la créativité, d’innovation, de critique sociale, et même de communication et de légitimation.
Idées et Faits Clés:
- L’engouement institutionnel pour la SF: On assiste à un « véritable engouement institutionnel » pour la science-fiction, allant des agences spatiales aux écoles de commerce. Le but est de « construire une vision du futur originale, propre à l’institution » et de « développer une vision stratégique » adaptée à l’environnement.
- Diversité des motivations: Les institutions utilisent la SF à des fins variées, allant de la génération de prototypes d’innovations commercialisables à la critique du progrès technique et à la conception de modes de vie alternatifs. Il est « erroné de considérer que toutes les institutions pensent que la science-fiction permet de générer des prototypes vecteurs d’innovations commercialisables. »
- La SF comme outil de prospective et de Red Teaming: Des think tanks comme SIGMA font appel à des auteurs de SF pour anticiper les dangers futurs et les menaces potentielles. Andrew Fox parle d’un « « état d’esprit de science-fiction » » utile pour l’analyse du « coffre à jouets du diable. » Arlan Andrews, créateur de SIGMA, estime que « L’avenir est trop important pour être laissé aux futuristes. » Le Red Teaming utilise des scénarios extrêmes, souvent dystopiques, pour anticiper le pire.
- La NASA et la SF: La NASA utilise la SF comme un « artefact culturel » qui formule des « imaginaires sociotechniques partagés » unissant le pays derrière de grands projets scientifiques. Les références à des œuvres comme Star Trek permettent aux ingénieurs de discuter « ouvertement, mais aussi elliptiquement » de leur environnement social et politique. La culture SF crée un sentiment d’appartenance à un groupe.
- La SF à l’université: Stimulation de la créativité et de l’innovation: Des institutions comme le MIT utilisent la SF pour stimuler la créativité et l’innovation chez les étudiants. Dan Novy, du MIT Media Lab, compare la SF à un « hallucinogène » qui permet « d’élargir l’esprit. » Le Science Fiction Prototyping connaît un développement remarquable.
- Critique du Capitalisme vs. Apologie du Profit: La science-fiction institutionnelle, notamment militaire ou d’entreprise, est parfois accusée de « dénaturer la vocation critique d’un genre qui initialement, doit avoir pour perspective un monde meilleur, utopique. » Elle peut être perçue comme une « apologie du profit et de la guerre » au service d’intérêts capitalistes. À l’inverse, la science-fiction universitaire tend vers un « questionnement fondamental sur les conséquences du progrès technique. »
- L’exemple de l’ESCP Business School: L’ESCP Business School utilise le Design Fiction for Sustainability pour enseigner le développement durable aux futurs managers. Les étudiants sont encouragés à créer des « histoires anticipant le futur » pour établir un dialogue sur des enjeux globaux.
- L’Arizona State University (ASU): Fer de lance du Science Fiction Prototyping: L’ASU est l’une des institutions universitaires les plus prolifiques dans le domaine de la SF appliquée. Elle a créé le Threatcasting Lab et collabore avec des entreprises et des organisations militaires pour élaborer des visions du futur. Selon l’université, « les futurs imaginaires de la science-fiction ont influencé l’orientation de la technologie. »
- Sci Fi Economics Lab: Le Sci-Fi Economics Lab de la Solvay Brussels School of Economics and Management illustre l’intérêt des économistes pour la SF. Le prix Nobel d’économie Robert Shiller a consacré un livre à ce qu’il nomme l’économie narrative, cherchant à établir l’influence des fictions sur la structure économique et sur la dynamique du capitalisme.
- Initiatives Européennes: Stories from 2050: La Commission européenne a lancé le projet Stories from 2050 pour regrouper des fictions futuristes alternatives et alimenter le Green Deal européen. Le but est de penser « out of the box » et d’imaginer des « futurs différents, radicaux et plus inclusifs. »
- Singularity University et SCIFI DI Design Intelligence for the Future: La Singularity University publie un roman graphique intitulé SCIFI DI Design Intelligence for the Future pour populariser des concepts technologiques complexes et alimenter le processus d’innovation.
- Institute for the Future (IFTF) et l’anthologie An Aura of Familiarity: L’IFTF, un think tank de prospective, a publié l’anthologie An Aura of Familiarity pour explorer l’ère à venir de la matière en réseau. L’institut souligne que « une des lois fondamentales des études sur le futur est qu’il n’existe pas de faits à propos du futur. Seulement des fictions. »
- Internet Policy Review et le futur du droit de l’information: La revue Internet Policy Review a publié un numéro spécial constitué de nouvelles traitant du futur du droit de l’information, reconnaissant la science-fiction comme une source d’inspiration pour les juristes.
- L’influence de la SF sur le monde réel et vice-versa: Menadue et Cheer ont étudié la littérature de recherche utilisant des concepts de SF pour décrire la culture humaine, montrant que le genre est utilisé dans de multiples secteurs. Ils soulignent que « Sensibiliser les scientifiques à l’importance de ces facteurs peut renforcer les capacités des chercheurs pour une communication scientifique réussie. » La science-fiction joue un rôle important dans la construction de la vision du monde des individus, notamment des représentations du futur des sciences et des technologies.
Conclusion: La science-fiction est devenue un outil polyvalent et de plus en plus utilisé par les institutions pour explorer, anticiper et façonner le futur. Son appropriation soulève des questions importantes sur son rôle critique, son potentiel d’instrumentalisation et son impact sur l’imaginaire collectif. La question centrale est de savoir si cet « imaginaire » est filtré afin d’éviter des « catastrophes » ou s’il est développé « rationnellement afin d’assurer le déploiement de nouvelles perspectives utopiques utiles au système économique. »
