
Je vous signale la parution d’un nouveau numéro de la revue CR : The New Centennial Review, s’interrogeant sur les relations entre la fiction spéculative et la finance spéculative. Ce thème est au centre de certaines de mes recherches consacrées à l’impact de l’imaginaire sur les phénomènes observés dans le cadre de l’économie comportementale. L’économie serait en effet mue par des flux imaginaires, structurant à leur tour des idéologies technologiques dont un des avatars les plus répandus est le transhumanisme. L’article de Sherryl Vint est à ce titre intéressant. Les acteurs économiques sont censés prendre leurs décisions et agir selon les lois du marché chez les libéraux, et en fonction de la lutte des classes chez les marxistes. Toutefois, ces deux paradigmes reposent sur l’adhésion à un imaginaire qui structure la compétition et les rapports de force. Le comportement de l’acteur économique varie en fonction d’un imaginaire diffusé dans son secteur de production. Les acteurs des marchés financiers n’échappent pas à l’influence de l’imaginaire. Les décisions ne sont donc pas purement rationnelles, malgré la prédominance des sciences et des mathématiques dans l’économie contemporaine. Pour innover, les acteurs doivent anticiper la demande, préparer dans les laboratoires de R&D des produits émanant de l’imaginaire d’individus ou d’équipes de chercheurs. L’imaginaire des clients, s’il est en partie formaté par le marketing, témoignant d’un imaginaire organisationnel, influence aussi les entrepreneurs. La science-fiction intervient à ce niveau à l’interface entre le client et l’innovateur. Un imaginaire partagé assure le succès de l’innovateur et la satisfaction des acheteurs. Un imaginaire pathologique peut susciter un rejet et l’échec d’un produit, notamment par sa condamnation morale. Il reste à déterminer de quelle manière fonctionne l’imaginaire des traders et des financiers, afin d’envisager son impact dans des crises comme celle de 2008. Une crise économique est-elle liée à la diffusion d’un imaginaire incompatible avec le fonctionnement du capitalisme, ou la manifestation d’un changement de paradigme économique, structuré en partie par des imaginaires devenus obsolètes et en voie de remplacement par de nouveaux systèmes de représentations ?
Journal Issue Announcement: Speculative Finance/Speculative Fiction
A special issue of CR: The New Centennial Review 19.1
Edited by David M. Higgins and Hugh C. O’Connell
Contenu:
– Introduction: Speculative Finance/Speculative Fiction
David M. Higgins and Hugh C. O’Connell
– Promissory Futures: Reality and Imagination in Finance and Fiction
Sherryl Vint
– The Realism of Speculation: Contemporary Speculative Fiction as Immanent Critique of Finance Capitalism
Mathias Nilges
– Glorious Mythology of Loss: Speculative Finance in Alan Moore’s Jerusalem
David M. Higgins
– The Great Dividuation [A Theory-Fiction]
Joel E. Mason, Michael Hornblow, anique yael vered
– Future Fluctuations: Economy, Exchange, and Subjectivity in Recent English-Language Speculative Fiction
Mark Soderstrom
– The Novums of Fiscalmancy: Speculative Finance and Speculative Fiction in Ian McDonald’s The Dervish House
Hugh C. O’connell
– Frank Herbert’s Dune and the Financialization of Heroic Masculinity
Joshua Pearson
– Apocalypse, Inc.: Incorporating the Environment into the Boom/Bust Cycle in Fin-de-Siècle Science Fiction
Steve Asselin
– « Trust Me”: Volatile Markets in Twilight and The Hunger Games
Meghanne Flynn and Sarah Hardstaff
– Currencies of Control: Black Mirror, In Time, and the Monetary Policies of Dystopia
Joe Conway
– Speculative Finance and Network Temporality in Duncan Jones’s Moon and Source Code
David P. Pierson
– Of Time Loops and Derivatives: Christopher Nolan’s Interstellar and the Logic of the Futures Market
Marcia Klot