Le voyageur de l’espace, prise de conscience des dangers du nucléaire

Au début du film Le voyageur de l’espace, sorti en 1960, le pilote d’essai de l’US Air Force Bill Allison expérimente l’avion X-80 lors d’un vol suborbital. Toutefois, un phénomène étrange se produit et lorsqu’il atterrit, il découvre une base déserte. Il aperçoit au loin une ville futuriste qu’il rallie. Il est alors capturé par les habitants de la Citadelle, qui vivent sous terre. Allison apprend que la plupart des habitants ont été contaminés par une peste cosmique qui a transformé certains individus en mutants, des êtres agressifs et chauves, et d’autres en sourds-muets. Un grand nombre d’individus sont aussi stériles, ce qui condamne cette civilisation à la disparition. Allison est mené devant le Suprême qui est le chef de la Citadelle, qui menace de l’emprisonner, le prenant pour un espion. Mais sa petite-fille Terena, dotée de pouvoirs psychiques télépathiques, lit dans l’esprit d’Allison qu’il n’est pas animé d’intentions hostiles. Elle tombe amoureuse de lui et le Suprême y voit une opportunité, dans la mesure où Terena est le seul être non stérile de la communauté. Allison est arrivé en 2024. Il rencontre un groupe de scientifiques qui lui apprennent l’histoire de la Citadelle. Après que le monde a réussi à marcher sur la Lune, l’humanité s’est unie et a colonisé Mars et Vénus. L’apocalypse nucléaire tant redoutée pendant la Guerre froide n’a pas eu lieu. Toutefois, les nombreux tests nucléaires ont détruit une partie de l’atmosphère qui protégeait la Terre des rayons cosmiques. Ainsi, une épidémie de peste cosmique a touché l’humanité en 1971, provoquant un risque d’extinction. Les mutants sont la conséquence de cette terrible maladie qui condamne les survivants à vivre sous terre. Alors qu’ils étaient emprisonnés, ils sont libérés et s’attaquent à la Citadelle, qu’ils envisagent de détruire. Face à ce chaos, Allison décide de retourner à son époque d’origine en utilisant son avion. Il repart dans l’espace et le phénomène cosmique inverse le ramène en 1960. Il est toutefois devenu un vieillard. Il avertit l’état-major des risques environnementaux des essais nucléaires pour l’espèce humaine, ce qui laisse perplexes les militaires présents, qui admettent avoir beaucoup à penser, sans s’émouvoir davantage du discours d’Allison, qui est même un temps considéré comme irrationnel.

Ce film rappelle qu’en 1960, déjà, les auteurs de science-fiction étaient conscients des risques environnementaux engendrés par l’action humaine. Les tests nucléaires, particulièrement nombreux depuis une quinzaine d’années, étaient définis comme la cause potentielle d’un endommagement de l’atmosphère terrestre. Il est aussi intéressant de noter que l’épidémie provient de l’espace. La croyance dans l’origine cosmique des maladies a fait l’objet de théories dans les décennies qui ont suivi. Notons aussi que dans le monde de 2024, la Citadelle fonctionne à l’énergie solaire. Le film était particulièrement visionnaire, anticipant notamment une épidémie au début des années 2020, faisant écho à la pandémie de Covid 19 apparue en 2020.

Beyond the Time Barrier traite aussi du voyage dans le temps, et envisage une société du futur post-apocalyptique. L’humanité n’a pas été détruite par la menace dominante de l’époque. En 1960, un grand nombre de personnes, surtout aux États-Unis, craignaient une guerre nucléaire avec l’Union soviétique. La paranoïa régnait dans la société, et la course à l’espace arbitrait le conflit entre les deux superpuissances. Ce film de science-fiction estime que la conquête spatiale mènera une humanité réconciliée vers la conquête de Mars et de Vénus dans un futur proche. Il considère toutefois que la menace relative à l’arme nucléaire n’est pas une guerre, mais les dégâts environnementaux causés par les tests. Dans les années 1960, un nombre croissant d’acteurs scientifiques et d’activistes mettaient en garde sur les conséquences néfastes des tests nucléaires. Le mouvement antinucléaire commençait à se développer, menant à des manifestations et à des protestations contre les essais nucléaires. En 1963, fut même signé le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires, qui cherchait à limiter leur nombre dans l’atmosphère, l’espace et sous l’eau.

Si ce film de série B a eu un impact modéré sur le grand public à l’époque, il a toutefois contribué à la prise de conscience collective de la nécessité de limiter la pollution liée à l’utilisation de l’arme nucléaire. Notons que l’un des premiers évènements du mouvement antinucléaire fut la publication du manifeste Russell-Einstein en 1955, rédigé par le philosophe britannique Bertrand Russell et le physicien allemand Albert Einstein qui demandaient l’arrêt des essais nucléaires et la résolution pacifique des conflits internationaux. La remise en cause des conséquences écologiques désastreuses de l’arme atomique est au cœur de cette fiction. Elle montre aussi que déjà dans les années 1960, des personnes se préoccupaient de l’action potentiellement négative de l’humanité sur l’atmosphère, risquant de mener à sa disparition. L’idée de voyage dans un futur dystopique fut notamment reprise par la saga La Planète des singes, qui imaginait une terre du futur dominée par des primates à la suite de l’anéantissement de la civilisation humaine en raison de ses excès.

Thomas Michaud

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