
Songbird, États-Unis, 2020
Le film Songbird est le premier réalisé à Los Angeles après la période de confinement contre l’épidémie de Covid de 2020. L’action se déroule en 2024 et se présente comme une projection dystopique de la situation présente, le virus ayant muté et étant devenu encore plus mortel. Les individus doivent se scanner tous les jours avec leur téléphone portable et s’ils sont positifs, une équipe vient les chercher pour les emmener de force dans des camps nommés Q-Zones. Les individus doivent pour la plupart rester chez eux, à l’exception des immunisés, qui portent un bracelet et qui peuvent circuler librement. Nico en fait partie, dans la mesure où il a été infecté dans le passé. Il est amoureux de Sara Garcia, dont la grand-mère est contaminée par le virus et finit par décéder. La brigade d’intervention est prévenue et se dirige vers la maison pour y récupérer le corps ainsi que Sara, pour la mener dans un camp. Ces derniers sont en fait de véritables mouroirs où les individus décèdent en général en 48 heures. Nico cherche à récupérer un laissez-passer, un bracelet délivré à toute personne immunisée et permettant de fuir les zones contaminées. Il s’adresse à des individus peu recommandables, qui les délivrent contre 150 000 dollars. Le chef des brigades d’intervention est un être corrompu, un ancien éboueur qui a profité du décès de tous ses supérieurs hiérarchiques, contaminés, pour prendre le pouvoir. Nico finit par obtenir le précieux sésame après avoir éliminé les escrocs. Il s’enfuit avec sa petite amie dans un lieu sans virus.
Le film est une extrapolation du chaos qui pourrait régner en cas de prolongation et d’aggravation de la Covid. Les rues sont désertées, et la désorganisation règne. Face à ce chaos, les autorités réagissent par un excès d’autorité, et le pouvoir tombe aux mains d’êtres peu scrupuleux. Le chef de la brigade d’intervention est immunisé et se perçoit comme un dieu, intouchable et doté d’un pouvoir considérable dans une société dans laquelle il est un des seuls à pouvoir sortir à visage découvert. Les passe-droits font l’objet d’une contrebande et rappellent que des individus vendaient des pass sanitaires pendant la crise en France aux personnes qui ne souhaitaient pas se faire vacciner. Des réseaux furent démantelés et des personnes condamnées. Certains revendiquaient un message politique, opposés à un supposé totalitarisme sanitaire imposant la vaccination au plus grand nombre. D’autres, tout simplement, cherchaient à s’enrichir en profitant de la misère existentielle de milliers d’individus hostiles au vaccin et victimes d’un complotisme les menant à contester le bien fondé des décisions du gouvernement.
Il est ainsi à craindre que des êtres peu recommandables finissent par s’emparer du pouvoir en cas de décès des personnes les plus compétentes. La société serait ainsi aux mains d’un nouvel ordre politique, présenté comme mafieux dans le film. Il faut la prise de conscience et la résistance des personnages positifs pour éliminer ces êtres profitant d’une situation sanitaire catastrophique.
La seule technologie utopique du film est un téléphone effectuant des tests virologiques et alertant les autorités en cas de cas positif. Entre le smartphone, le pass sanitaire et le thermomètre électronique, il est au centre de la gestion de l’épidémie par les autorités. Un test positif peut en effet mener à des camps, véritables mouroirs de la société. Les contaminés y sont achevés et les cas contacts y sont aussi menés, ce qui revient à les condamner aussi.
Cette œuvre de science-fiction dystopique révèle les préoccupations les plus sombres d’une période lors de laquelle les habitants de Los Angeles, où fut tourné le film, mais aussi de toute la planète, imaginaient le pire sur les conséquences potentielles de l’épidémie. Toutefois, le film décrit une société toujours sous contrôle, ne déviant pas vers un catastrophisme extrême propre aux films de virus, et notamment décrivant des épidémies de zombies, dans lesquels les structures sociales sont totalement détruites, laissant la place à l’anarchie. L’ordre social n’est pas achevé dans le film, qui se situe plutôt à un stade intermédiaire de déliquescence de la société, puisque cette dernière est tombée entre les mains de personnes peu recommandables, instituant un climat de peur et une forme de dictature sanitaire. Cette fiction est particulièrement intéressante dans la mesure où elle s’appuie sur des données concrètes, sur une réalité sanitaire dépassant en certains points l’imagination en 2020. Les images de camps dans le film se réalisèrent dans certains pays, et notamment en Chine, où la population fut victime d’un enfermement de masse et de brigades similaires à cette fiction, qui venaient chercher les personnes contaminées chez elles pour les mener dans des camps de quarantaine. Ces scènes, diffusées sur toutes les télévisions mondiales en 2021, donnèrent l’impression d’une dystopie réalisée, toutes les libertés étant sacrifiées sur l’autel de la nécessaire pureté sanitaire.
Thomas Michaud