Time Out, l’histoire d’un Robin des bois d’un capitalisme dystopique

Time Out, États-Unis, 2011

L’action se déroule en 2169 dans le ghetto de Dayton. Les individus vivent à partir de 25 ans avec un compteur sur le bras décomptant le temps qu’il leur reste à vivre. Il est possible de le recharger en travaillant. Si le compteur arrive à zéro, les individus décèdent. Il y a dès lors les riches, qui peuvent payer des biens et services luxueux, et vivre éternellement, et les pauvres, qui doivent travailler durement chaque jour en espérant que le temps gagné leur permettra de survivre jusqu’au lendemain. Les riches ont une vie oisive, alors que les pauvres travaillent durement. On apprend au cours du film que l’inflation des prix permet d’éliminer un certain nombre de personnes se trouvant dans l’incapacité de recharger suffisamment leur compteur. De la sorte, il est possible de continuer à accueillir de nouveaux individus, dans une société où l’immortalité est devenue la norme théoriquement, mais où elle n’est accessible que pour quelques privilégiés.

Will Salas sauve un homme fortuné, crédité de plus de cent années, d’un traquenard dans un bar du ghetto. Mais cet homme était venu dans l’intention de se faire tuer, n’en pouvant plus d’une immortalité physique devenue trop longue pour son esprit. Avant de mourir, il transfère toutes ses années à Will, qui se retrouve bien vite accusé de l’avoir assassiné pour lui dérober son temps, pratique fréquente dans le ghetto. Il décide d’aller à New Greenwich, repaire des nantis de la société, pour y dépenser son précieux temps. Il y rencontre le propriétaire de la banque Weis, et tombe amoureux de sa fille. La police tente de l’intercepter et une course poursuite s’ensuit. Will cherche à provoquer une révolution, en distribuant du temps volé aux riches aux pauvres du ghetto.

Le film est subversif dans le sens où il légitime le vol à plusieurs reprises, au nom d’une certaine justice sociale. Le héros affirme notamment qu’il est possible de voler du temps dans la mesure où celui-ci a déjà été volé aux travailleurs. Il s’agit d’une critique du capitalisme darwinien incarné par Philippe Weis, le banquier. Le temps est le bien le plus précieux des individus, et remplace l’argent. De lui dépend la vie même des personnes dans une société où les acteurs gardent la même apparence physique toute leur vie que celle qu’ils avaient à 25 ans, âge de déclenchement du compteur. Ce système dystopique repose sur l’exploitation capitaliste des travailleurs, qui œuvrent dans des usines dans le ghetto par exemple. La recherche du temps peut mener aux pires crimes et atrocités, et pousse les travailleurs à toujours s’activer davantage, dans la mesure où ils sont toujours menacés de mourir par manque de temps. Les riches se distinguent par leurs mouvements plus lents, dans la mesure où ils ne sont pas pressés par la nécessité d’acquérir du temps supplémentaire. Will et Sylvia Weis, la fille du banquier, s’engagent dans une fuite en avant criminelle, visant à contester un système économique parfaitement organisé et gravitant autour d’une technologie imaginaire permettant l’immortalité.

Dans ce film, la dystopie est utilisée comme un moyen de diffuser des messages subversifs visant à légitimer les attaques contre les riches, les banques et les gardiens du temps, incarnant la police de cet ordre technopolitique imaginaire. Il est intéressant toutefois de noter que ces films de science-fiction visent à réaliser un profit commercial. Il est donc légitime de s’interroger sur la sincérité de l’engagement du réalisateur Andrew Niccol. A-t-il voulu lancer un appel  à la révolution contre l’ordre établi, ou simplement réaliser un acte capitaliste exploitant le désir de révolte du public de films de science-fiction ?

Le héros, ressemblant à un Robin des bois du futur, souhaite redistribuer le temps des riches aux pauvres afin de leur permettre de vivre avec moins de pression temporelle. Toutefois, cette contestation pourrait ne pas permettre la survie du système productif, reposant sur la nécessaire quête du temps, et sur la rareté de cette denrée. L’argent joue le même rôle en économie capitaliste. Sa rareté et sa nécessité pour survivre poussent les individus à travailler. Sans argent, la société ne pourrait pas fonctionner, car rien ne motiverait les gens à s’investir dans des tâches productives. Ainsi, Time Out exprime le cynisme du système défini comme darwinien par Weis, menant à des drames humains, et à des modes de vie peu enviables dans les classes populaires. L’immortalité, présentée comme un progrès relatif par un être privilégié, mais dépressif, n’est pas non plus la quête ultime du héros, qui cherche avant tout la justice sociale, et un temps partagé équitablement entre tous les citoyens. Will ne se soucie toutefois pas de l’impératif d’élimination de la partie de la main d’œuvre la moins productive, pour laisser la place aux individus plus jeunes, et plus motivés par la possibilité de rester en vie dans ce monde imparfait.

Finalement, ce film est une critique du capitalisme darwinien, à moins qu’il vise à montrer la dimension vaine et suicidaire d’une tentative de révolte contre un système économique visant à optimiser la productivité et la motivation des travailleurs en plaçant le temps comme valeur centrale de la société.

Thomas Michaud

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