Everywhen, la téléportation propulse dans un univers parallèle

Le film norvégien Everywhen met en scène Ian Finch, un jeune homme qui se retrouve pris au piège d’un univers parallèle après avoir utilisé un téléporteur. Avant son départ, il avait laissé son petit frère seul, et il réalise que ce dernier a des tendances suicidaires. Il doit tout faire pour retourner dans son monde pour lui sauver la vie. Dans le monde de ce film, la téléportation a été inventée il y a un an et demi par un certain Thomas Wilfred. La plus grande partie de la population l’utilise pour ses déplacements. Toutefois, lors de la dernière année, les taux de disparition d’individus augmentent d’une manière inquiétante. Pire, lors des derniers jours, plus de trois milliards de personnes dans le monde ont disparu. La collision des atomes lors de leur téléportation les a menés dans un univers parallèle, quasiment semblable à leur monde d’origine, mais différent sur certains détails. Elles ne peuvent par exemple pas voir leur reflet dans un miroir. Les nombreux individus qui réalisent que leur nouvelle vie ne correspond pas à celle qu’ils avaient auparavant choisissent soit de se suicider soit de manifester. Il existe un double de chaque individu dans la réalité parallèle, et il est souvent troublant d’y être confronté. Après avoir rencontré Thomas Wilfred, Ian réalise que sa seule solution pour repartir dans son monde est de trouver une puce qui se trouve dans le laboratoire de l’inventeur. Il n’en existe qu’un nombre réduit, ce qui interdit à l’immense majorité de la population de rejoindre la réalité. Aidé par le frère biologique de son petit frère adoptif, il parvient à revenir dans le réel. Mais il découvre que le monde dans lequel il est arrivé est en fait toujours une réalité alternative, dans la mesure où il ne se voit pas dans le miroir.

Ce film est intéressant, car il propose une réflexion sur les conséquences potentiellement  catastrophiques d’une utilisation inappropriée de la téléportation. Si cette technologie a permis de révolutionner les transports, son inventeur ne dispose que d’une connaissance partielle de son fonctionnement. C’est ainsi que seules les personnes qui n’utilisent pas les téléporteurs peuvent rester dans la réalité. Les autres disparaissent, sans qu’il existe de moyen de les faire revenir massivement. La téléportation est une technologie utopique apparue dans la science-fiction dans les années 1950 et popularisée dans la série Star Trek. Les recherches dans ce secteur sont relativement rares, même si  les chercheurs en sciences physiques indiquent qu’elle est possible théoriquement. Il faudrait donc une révolution paradigmatique et des découvertes majeures avant que cette technologie devienne une réalité. Mais cette éventualité n’est pas à exclure définitivement, d’autant qu’elle permettrait de résoudre bon nombre de problèmes liés aux transports, trop polluants, trop lents, et souvent inconfortables.

Ce film véhicule d’ores et déjà un imaginaire technophobe, en envisageant un dysfonctionnement majeur des téléporteurs, menant à un univers parallèle duquel il est impossible de revenir. Dans le film La mouche noire, sorti en 1958 et à l’origine de l’imaginaire de la téléportation, dont vous pouvez voir aussi une analyse en vidéo sur ce site, l’inventeur est transformé en mouche à l’issue d’un problème technique lors d’une expérimentation. Comme souvent, la science-fiction imagine une situation dramatique liée à l’utilisation d’une technologie pourtant révolutionnaire. Il convient de se demander si de telles histoires ralentissent le processus d’innovation, le public redoutant que la réalisation de telles machines mène aux catastrophes envisagées dans les fictions, ou si au contraire, elles contribuent à susciter un désir inconscient dans la population et chez quelques scientifiques visionnaires.

Il est ainsi possible que ce film ait contribué à diffuser dans l’imaginaire collectif l’idée d’une possible disparition définitive des individus lors du processus de désatomisation. Cette question méritera d’être posée à l’avenir, lorsque les réflexions des physiciens aborderont les conséquences physiques de la téléportation.

Notons que le film développe aussi le thème des puces mémorielles, diffusées massivement dans la société. Il est ainsi possible d’apprendre un métier rapidement, grâce à une puce implantée. À la suite des nombreuses disparitions, il est ainsi nécessaire de former un grand nombre de policiers grâce à cette technique. De plus, le Thomas Wilfred de la réalité alternative confie à Ian une puce regroupant l’ensemble de ses souvenirs et connaissances afin qu’il prolonge sa pensée après sa mort et essaie de trouver une solution au dysfonctionnement des téléporteurs. Une telle technologie permettant de faciliter la formation des individus, pourrait révolutionner l’enseignement et l’assimilation des compétences professionnelles à l’avenir. La puce mémorielle est une technologie utopique appartenant à ub imaginaire cyborgien ambivalent. En effet, dans la bande dessinée Ce que nous sommes, de Zep, le héros utilise cette technologie dans une ville utopique où il maitrise l’ensemble des connaissances disponibles, parle toutes les langues et est doté d’une intelligence prodigieuse. Mais lorsque la puce dysfonctionne, il ne sait plus rien et devient aussi vulnérable qu’un enfant.

Everywhen est un film à petit budget, qui a toutefois le mérite d’aborder le thème de la téléportation d’une manière originale. Si aucune solution n’est trouvée à la fin au problème technique ayant causé la disparition de milliards d’humains, le spectateur ne pourra que s’interroger sur l’éventualité d’une telle catastrophe de grande ampleur à l’heure de la réalisation de la téléportation. La science-fiction a souvent imaginé les conséquences négatives ou dystopiques d’innovations technologiques. Cet imaginaire a bien souvent pour seul effet de diffuser dans la société le souhait de voir ces machines commercialisées, les individus voyant dans la catastrophe un biais scénaristique visant à mettre en scène une technologie qui n’aurait rien d’attrayant si elle n’était montrée que sous son jour favorable. Le capitalisme aura pour vertu de mettre au point une technologie fonctionnant le mieux possible, avec un faible nombre de dysfonctionnements.

Thomas Michaud

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