Extracted, voyage au centre de la mémoire

Extracted, États-Unis, 2012

Tom Jacobs est un scientifique qui a mis au point une machine capable de visualiser et d’interagir psychiquement avec les souvenirs d’une autre personne. Il est toutefois en manque de reconnaissance et un de ses collègues, chargé de trouver des clients intéressés par son invention, ne lui propose qu’une piste. Le service gérant les prisons américaines souhaite qu’un cobaye teste la viabilité de la machine. Un drogué, accusé d’avoir tué sa petite amie, mais qui nie le crime, prétendant ne se souvenir de rien, s’est porté volontaire pour expérimenter l’engin. Tom est initialement réticent, car il y voit une tentative de l’administration pénitentiaire de s’approprier son invention à des fins qu’il considère immorales. En effet, il suspecte les autorités de vouloir utiliser sa création systématiquement pour prouver les crimes et modifier la manière dont la justice est rendue. Il avait une vision plus idéaliste de la portée de ses recherches, pensant que sa machine permettrait de guérir les problèmes psychologiques des individus en leur permettant d’accéder à leurs souvenirs enfouis. Il finit toutefois par accepter le marché, car sa femme attend un enfant et il est à court d’argent.

Pour réaliser l’expérience, un casque est posé sur le crâne du prisonnier et un autre sur la tête de Tom. De cette manière, il peut accéder à tous ses souvenirs, simplement en mentionnant des mots-clés, qui guident l’intelligence artificielle dans le cerveau du cobaye. Les souvenirs demandés sont visualisés, et l’expérience semble être un succès. Toutefois, un bug intervient et Tom ne parvient pas à revenir de l’esprit d’Anthony Wills. Il tombe dans un profond coma, et pendant plus de quatre ans, personne ne trouve la solution pour le faire revenir. L’esprit de Tom continue à vivre dans l’esprit d’Anthony, où il passe son temps à contempler ses souvenirs immédiats ou plus ou moins anciens. Son corps est inanimé, couché dans un lit d’hôpital. Mais un jour, alors qu’il observait une scène de l’enfance d’Anthony, ce dernier passe devant lui et le fixe du regard. Cette anomalie le trouble, dans la mesure où elle suggère qu’Anthony est conscient de sa présence dans son esprit. Il en déduit que la communication a été possible, car il se trouvait dans son souvenir au moment où Anthony se le remémorait. C’est ainsi qu’il trouve la possibilité de communiquer avec son hôte. Il lui demande de contacter sa femme pour lui transmettre les informations qui permettront d’extraire une puce qui s’est perdue dans le corps d’Anthony lors de l’expérience et qui abritait l’esprit de Tom. Malgré la tentative d’évasion d’Anthony au moment du transfert, dans le but de prouver son innocence et de trouver le véritable assassin de sa petite amie, Tom parvient à retrouver son corps. Anthony est tué par balle. Finalement, la technologie de visualisation des souvenirs est optimisée par les autorités et utilisée systématiquement dans les procédures judiciaires américaines.

Le film pose la question de l’intérêt d’une telle technologie pour la justice d’un État. En effet, elle semble être une solution parfaite pour statuer de la culpabilité ou de l’innocence d’un individu. En permettant de visualiser les souvenirs d’une personne, elle fonctionne comme une caméra permanente dénonçant sans faille les moindres travers commis par un éventuel criminel. Tom est toutefois initialement opposé à cette utilisation de son invention, dans la mesure où cela pourrait donner lieu à des pratiques éloignées de l’éthique. De plus, les souvenirs ne sont pas tous exploitables, des zones d’ombres demeurant dans les images rendues par la machine. Le risque d’erreur judiciaire demeure donc important malgré la dimension révolutionnaire de cette invention.

En 2016, une équipe de l’université de l’Oregon a construit une machine capable de lire les pensées grâce à des scanners du cerveau[1]. Elle pouvait lire les visages visualisés dans la tête des individus qui se sont prêtés à l’expérience. Brice Kuhl, un membre de l’équipe de neuroscientifiques, a affirmé que « Nous pouvons prendre la mémoire de quelqu’un (qui est généralement quelque chose d’interne et privé) et nous pouvons la retirer de leur cerveau ». Il ajoute que « Certes, nous pensons qu’il est excitant de voir des choses dans la science maintenant qui n’étaient auparavant que dans la science-fiction (…) Mais nous laisserons à d’autres le soin d’imaginer des moyens d’utiliser ces méthodes à d’autres fins »[2]. En 2022, la startup Synchron a implanté un procédé appelé strenode dans le cerveau d’un patient qui ne pouvait ni bouger ni parler, car il était atteint de la maladie de Charcot. Cette machine a permis de convertir ses pensées en texte.

La machine à lire les pensées est une vieille idée de la science-fiction. Dans les années 1950, on imaginait des puissants capables de lire dans les pensées des individus, ce qui leur conférait une puissance supérieure et un pouvoir potentiellement tyrannique. Dans L’homme démoli, d’Afred Bester (1952) les Espers peuvent communiquer entre eux par télépathie. Au 24e siècle, les télépathes sont intégrés à tous les niveaux de la société et sont classés selon leurs capacités. Les œuvres de science-fiction traitant de la télépathie sont très communes, et on trouve de nombreuses histoires dans lesquelles les extraterrestres, superhéros et supervilains sont dotés de cette faculté. En psychiatrie, la croyance dans la télépathie est un symptôme de la schizophrénie.

Il n’en reste pas moins que les machines à lire les pensées sont essentiellement apparues avec l’émergence de l’informatique. Depuis les années 2020, et le développement des neurotechnologies, les recherches s’accélèrent dans ce secteur et donnent déjà des résultats remarquables. Comme souvent, la science-fiction décrit une invention mise au point par un savant marginal, qui finit par se retourner contre lui. Finalement, la machine tombe entre les mains du système militaro-industriel, et son utilisation échappe au contrôle de son créateur.

Thomas Michaud


[1] Lee Hongmi, Kuhl Brice A., « Reconstructing Perceived and Retrieved Faces from Activity Patterns in Lateral Parietal Cortex », Journal of Neuroscience, 1 June 2016, 36 (22), 6069-6082.

[2] Traduction de : « Certainly, we think it is exciting to see things in science now that used to be only in science fiction » « But we will leave it to others to dream up ways in which these methods can be used for other purposes ». https://www.washingtonpost.com/news/innovations/wp/2016/06/29/this-new-device-can-visualize-your-thoughts-sort-of/

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