Anthrax et la peur du bioterrorisme

Anthrax, Canada et États-Unis, 2001

Le film Anthrax débute par le sentiment de colère de fermiers, qui accusent un laboratoire pharmaceutique d’une région des États-Unis de travailler sur l’anthrax et de provoquer la mort de plusieurs vaches. Ils ne sont pas écoutés, et un jour, un homme se présentant comme un journaliste leur suggère d’organiser un sit-in à l’intérieur du laboratoire incriminé afin d’attirer l’attention des médias sur leur cause. Mais il s’agissait en fait d’un stratagème. Le prétendu journaliste était en fait un bioterroriste qui cherchait à entrer dans l’entreprise pour y dérober des souches dans le but de les revendre. Il parvient à s’enfuir. Dans le même temps, un vieux fermier fait tomber un flacon contenant de l’anthrax et est contaminé. Il finit par décéder. Les autres manifestants sont finalement décontaminés, et il n’y a pas d’autres morts. Le terroriste s’enfuit dans une grande ville, où il menace de répandre le contenu de quatre fioles s’il ne reçoit pas 10 M$. Une telle attaque pourrait causer la mort de dizaines de milliers de personnes. Il est finalement abattu avant de pouvoir mettre sa menace à exécution.

Ce film, sorti en 2001, traite donc de la crainte très présente dans la société américaine de l’époque de voir un groupe bioterroriste répandre de l’anthrax dans une grande ville, en la diffusant par avion par exemple, ce qui pourrait tuer des millions de personnes. L’anthrax est en effet un agent biologique potentiellement mortel qui peut être utilisé à des fins de bioterrorisme, par l’intermédiaire de bombes, d’une contamination alimentaire en diffusant des spores dans les fruits, légumes, ou la viande.

L’anthrax peut aussi être envoyé dans des enveloppes. C’est ce qui s’est passé en 2001, année de la réalisation du film, aux États-Unis. Une semaine après les attentas du 11 septembre, une série d’attaques a frappé le pays, faisant 22 malades et causant 5 décès. Le FBI a conclu qu’un chercheur américain, Bruce Ivins, était responsable de ces évènements, souhaitant de cette manière obtenir un soutien pour un vaccin qu’il avait mis au point. Mis en examen par le FBI en 2008, il préféra mettre fin à ses jours.

La peur du bioterrorisme incluant une attaque à l’anthrax s’est particulièrement développée à partir des années 1990 et l’attaque par la secte terroriste Aum au Japon. Elle a en effet tenté de répandre de grandes quantités de gaz sarin en 1995 dans la ville de Tokyo. Dès lors, les gouvernements prirent au sérieux cette menace et ont mis en place des protocoles visant à lutter contre d’éventuelles attaques. Des vaccins et des traitements ont notamment été développés.

Le film traite aussi d’une éventuelle fuite d’anthrax d’un laboratoire. Cette peur s’inspire de faits bien réels. Le 2 avril 1979, un incident a eu lieu à Sverdlovsk, en Russie impliquant une fuite de bacille du charbon. Une épidémie s’ensuivit, provoquant la mort d’une centaine de personnes officiellement, bien que le nombre de victimes soit probablement plus important. Il s’agit de l’équivalent biologique de Tchernobyl.

Anthrax traite donc d’une menace bien réelle qui toucha les États-Unis en 2001. Ce thriller n’est pas à proprement parler de la science-fiction, mais il traite de la paranoïa que peuvent susciter les laboratoires d’expérimentation scientifique, notamment sur les virus. Le cinéma a contribué à médiatiser cette peur, à en accroitre l’impact sur la population. Ces représentations de laboratoires dangereux s’appuient toutefois sur des faits bien réels, et elles extrapolent des scénarios catastrophes à partir d’évènements historiques comme l’incident de Sverdlovsk. Lors de l’épidémie de Covid 19, en 2020, un laboratoire travaillant sur les coronavirus de la ville de Wuhan fut ainsi accusé d’être l’origine de la fuite du virus. Aucune preuve ne put appuyer cette thèse. Toutefois, la paranoïa vis-à-vis des laboratoires, lieux par définition tenus au secret, est alimentée par une science-fiction qui en cristallise aussi les thèmes principaux. Anthrax montre ainsi une population accusant le laboratoire des décès de leurs vaches, alors que ces derniers avaient une autre cause. Le film relaie un imaginaire populaire hostile aux savoirs experts particulièrement répandu dans la culture américaine, et qui alimente un certain complotisme, voire une remise en cause du pouvoir des scientifiques dans la société. Ce film a donc contribué à la mythologie du laboratoire dangereux pour la société et à la diffusion de la paranoïa à l’encontre du bioterrorisme.

Thomas Michaud

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