Paris 2054 Renaissance, France, 2006
L’action du film Paris 2054 Renaissance est une enquête policière menée par l’inspecteur Karas. Il doit résoudre une affaire d’enlèvement à la suite de la disparition d’Ilona Tasuiev, une scientifique de 22 ans travaillant pour la société Avalon. Cette dernière est une multinationale très puissante, faisant sa publicité sur les écrans diffusés dans toute la ville. Elle fonde son business sur le commerce de produits permettant d’accéder à la beauté et à la longévité. Avant sa disparition, llona travaillait sur la progéria, une maladie génétique rare qui touche les enfants. Elle est causée par une mutation génétique qui affecte la production d’une protéine nommée Laminine A. Les patients atteints par cette maladie ont des rides prématurément, perdent leurs cheveux, sont victimes d’une atrophie musculaire et d’une diminution de la densité osseuse. Cette pathologie est pour l’heure incurable.
Ainsi Karas, aidé par la sœur d’Ilona, découvre que l’entreprise Avalon a réalisé en 2006 des expériences sur des enfants atteints de progéria. Leur but était dans un premier temps de trouver un remède, et à plus long terme d’atteindre le moyen d’accéder à l’immortalité. Le docteur Müller, qui dirigeait les recherches à l’époque, avait un frère, Klaus, qui servit de cobaye. Si tous les autres enfants sont morts à la suite des expériences, Klaus fut sauvé à la suite de la découverte du docteur Müller de l’immortalité. Mais ce dernier décida de détruire ses recherches, dans la mesure où il estimait que la mort était une nécessité pour toute vie humaine. De plus, il redoutait que sa découverte tombe entre les mains de la puissante entreprise Avalon, qui pourrait en faire un usage non éthique. Ilona a donc été enlevée, car elle avait obtenu les mêmes résultats que le docteur Müller 48 ans après. Elle s’apprêtait à révéler au monde le secret de l’immortalité. Karas décide donc de la tuer après avoir tenté de la sauver, conscient qu’Avalon ne ferait pas un usage positif pour l’humanité d’un tel savoir.
Le film traite donc des recherches sur les maladies génétiques rares. La France, où se déroule le film, est un pays très investi dans ce secteur, comme en témoigne le Téléthon, une institution télévisuelle qui récolte chaque année plusieurs dizaines de millions d’euros de gains issus de la générosité des Français. La Progéria est une maladie faisant l’objet de recherches financées par les dons, et en 2017, le site du Téléthon annonçait une découverte majeure de l’équipe dirigée par le Professeur Nicolas Levy, c’est-à-dire le potentiel thérapeutique d’une nouvelle molécule nommée MG132, pour traiter cette maladie. Cette molécule diminue en effet considérablement la production de progérine.
Ce film développe une fantasmagorie autour de cette recherche médicale. Les chercheurs sont présentés comme des apprentis sorciers, n’ayant qu’un faible respect de la vie humaine et n’hésitant pas à sacrifier la vie d’enfants pour obtenir des résultats. Les cobayes sont même tatoués avec un triangle sur la nuque. Les expériences de l’entreprise Avalon rappellent ainsi les pratiques des savants nazis dans les camps de concentration, puisque ces derniers n’hésitaient pas à rompre avec le serment d’Hippocrate dans le but d’accélérer le processus de découverte scientifique au mépris du respect de la vie humaine. Ainsi, le film associe deux imaginaires, celui sur la progéria, maladie méconnue et énigmatique, touchant un enfant sur 10 à 20 millions dans le monde, et celui d’une science au service d’intérêts financiers et industriels sans scrupules. Une nouvelle fois, la grande entreprise est dépeinte comme une structure prête à tout pour obtenir des résultats scientifiques. Les expériences réalisées visent l’enrichissement et l’accroissement de son pouvoir sur la société.
Le mythe de l’immortalité est un motif très ancien dans l’imaginaire humain. Au Moyen Âge, par exemple, on rêvait d’une fontaine de Jouvence, dont il aurait suffi de boire quelques gorgées pour retrouver l’âge idéal, fixé, à une trentaine d’années, c’est-à-dire l’âge du Christ avant sa mort. L’alchimie avait aussi comme but de trouver un élixir de longue vie, voire d’immortalité. Toujours dans le folklore médiéval se trouve la figure du Juif errant, un marchand de Jérusalem qui se serait moqué du Christ pendant la passion. Ce dernier l’a condamné en punition à l’immortalité, à une errance jusqu’à la Parousie, c’est-à-dire le retour du Christ sur Terre après l’Apocalypse. Précisons que cette scène n’existe pas dans les évangiles mais qu’elle repose sur une interprétation d’une parole de Jésus. Chez les chrétiens affectionnant ce conte, l’immortalité est donc considérée comme une malédiction. Telle semble être aussi la morale à retenir du film étudié. Le docteur Müller préfère détruire ses recherches et Karas décide d’abattre Ilona plutôt qu’elle révèle à Avalon les secrets de l’immortalité. Le thème de la renaissance, ou du rejet de la mort, est présent dans de nombreuses cultures et remonte à l’antiquité. Il s’agit probablement d’un des rêves communs à la plupart des humains, redoutant la mort et aspirant à rester en vie le plus longtemps possible. Le mythe de l’immortalité est ici traité à travers le prisme de l’entreprise capitaliste, prête à tout pour obtenir un traitement contre la mort, et ainsi devenir un acteur central de la société. Cette fascination pour ce dessein technoscientifique est ainsi une forme de défi au pouvoir de Dieu, seul capable de déterminer la date et la raison du décès d’une personne. L’immortalité serait ainsi contre-nature. La morale reste toutefois sauve dans le film, puisque le secret de l’immortalité demeure bien gardé, bien que le jeune Klaus Müller continue à survivre dans les marges de la société, probablement doté de cette faculté.
Thomas Michaud
Thomas Michaud 