Replicant, États-Unis, 2001
Le film Replicant, sorti en 2001, met en scène l’inspecteur Jake Riley qui traque un tueur en série nommé La Torche, qui brûle les mères célibataires après les avoir tuées. Introuvable depuis trois ans, une nouvelle approche est privilégiée par la NSA. L’agence américaine a en effet mis au point le programme secret Replicant, consistant à créer des clones dans le but d’infiltrer les groupes terroristes. Il est décidé d’utiliser cette technologie pour enquêter sur le criminel. Son double génétique est donc créé, et il est doté de facultés télépathiques phénoménales lui permettant de capter les pensées et les souvenirs de l’original. L’enquête peut avancer grâce à ses révélations. Il ressemble à un simple d’esprit au début du film, dans la mesure où il nait avec un corps adulte et doit tout apprendre de l’existence en quelques jours. Le film est une succession de scènes d’actions visant à arrêter la Torche. Il est finalement abattu à la fin du film.
Ce film met en scène plusieurs technologies futuristes. Les plus réalistes, la reconnaissance faciale, la biométrie et les caméras de surveillance se sont largement développées dans les vingt années qui ont suivi la sortie de cette fiction. Toutefois, les technologies de clonage et de réplication d’être humain demeurent imaginaires. Le film extrapole toutefois une application policière de la technologie du clonage, visant à créer le double génétique d’un criminel pour mieux pister les originaux. Une nouvelle fois, la police développe un programme top secret censé optimiser la sécurité du territoire américain. L’année suivant la sortie de Replicant, Minority Report proposait aussi un imaginaire d’une police aidée par des êtres produits par des manipulations génétiques. Ce type de fiction montre le questionnement de l’appareil répressif pour utiliser les recherches sur le clonage pour contribuer à la traque des criminels et tendre vers une société sans violence.
Le terme Replicant est apparu pour la première fois dans le film Blade Runner en 1982, adaptation du roman de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? sorti en 1966. Les replicants sont des androïdes ressemblant à des clones, produits par une sorte d’ingénierie génétique et utilisés pour accomplir des tâches dangereuses ou déplaisantes, notamment sur d’autres planètes. Ces êtres synthétiques, à la frontière de l’organique et du robotique, se distinguent des humains et ne sont par exemple par censés répondre correctement au test de Turing. Les Réplicants du film éponyme ne sont toutefois pas de la même nature que ceux du film de Ridley Scott. Il s’agit ni plus ni moins que de clones, créés grâce à un échantillon de sang. L’idée de créer des êtres humains de cette manière appartenait à l’imaginaire collectif des années 1990 et du début des années 2000. À cette époque, il n’était pas rare de voir dans la presse des réflexions prospectives sur le futur du clonage, alors que la technologie était balbutiante. On envisageait les pires applications de cette invention, dans le but de fixer des barrières éthiques et des moratoires dans ce secteur de la recherche et développement. La science-fiction s’est emparée de cette réflexion en proposant des innovations radicales issues d’un clonage hypothétiquement parfaitement maitrisé. Pensons aussi à la saga Jurassic Park, dans laquelle un parc d’attractions reposait sur la création de dinosaures à partir d’extraits d’ADN se trouvant dans de l’ambre préhistorique. Replicant contribue donc à la mythologie du secteur du clonage. Ce secteur économique est dans l’attente de découvertes radicales, qui sont pour l’heure limitées par les barrières éthiques. De nombreux pays, à la tête desquels se trouvent les États-Unis, souhaitent interdire le clonage humain. Toutefois, fin 2002, les raëliens ont affirmé avoir réalisé le premier clone humain, sans que des preuves soient apportées. Depuis les années 2000, l’engouement pour le clonage est quelque peu retombé. Mais il est fort probable que des États ou des organisations décident un jour de réaliser ce qui apparait comme une expérience interdite, réalisant de cette manière ce qui appartient essentiellement à l’imaginaire de la science-fiction. Dans Replicant, la Torche considère que son clone appartient à sa famille et souhaite le prendre sous son aile. Ils sont en communication télépathique. Le film suggère ainsi que le clonage d’un individu suppose des liens psychiques entre les l’original et sa copie, ce qui demeure largement hypothétique.
Un tel film a contribué à véhiculer un imaginaire du clonage humain. Il est probable que ce type de fiction ait participé à la création d’une certaine technophobie à l’encontre de cette technologie. Toutefois, il est trop tôt pour estimer que la science-fiction a neutralisé l’engouement des années 1990-2000 pour le clonage en diffusant un imaginaire négatif de cette invention. En effet, il est toujours possible que dans quelques années des puissances décident de créer des armées de clones dans le but de les envoyer sur des champs de bataille, voire en créant des êtres augmentés physiquement ou psychologiquement. La technique du clonage est relativement en sommeil, mais il est fort probable qu’il faille s’y intéresser à nouveau dans quelques années, quand les premiers clones sortiront des laboratoires et poseront de nombreux problèmes éthiques et moraux à nos sociétés.
Thomas Michaud